Échos des 150 ans de Pro Petri Sede (1) – Homélie du cardinal Mamberti
Citant abondamment le magistère de l’Eglise, le cardinal Dominique Mamberti invite les membres de l’Association Pro Petri Sede à rester fidèles au témoignage de courage, de foi et de charité active donné par les volontaires des années 1860-1870, les zouaves pontificaux, à l’origine de l’association.
Frères et sœurs,
Nous sommes réunis aujourd’hui dans la joie pour rendre grâce au Seigneur pour les 150 ans de l’Association Pro Petri Sede, fondée par les zouaves pontificaux de retour en Belgique, aux Pays-Bas et au Grand-Duché de Luxembourg après l’invasion des Etats Pontificaux. Ils s’étaient distingués par leur courage à la guerre, en défendant l’indépendance et la souveraineté du Successeur de Pierre, mais aussi par leur charité active, en assistant la population romaine affligée par une épidémie de choléra en 1867. Durant cette Messe nous voulons rappeler leur souvenir et prier pour eux, ainsi que pour tous les Membres de l’Association qui se sont succédé depuis, prolongeant jusqu’à nos jours le même esprit de foi, de service et de solidarité.
Les buts de l’Association, de fait, sont restés identiques : le témoignage d’une vie chrétienne cohérente, caractérisée par l’amour de Dieu et du prochain et le soutien au Successeur de Pierre, chargé par le Christ de confirmer ses frères dans la foi.
Dans la lettre qu’il m’a adressée en me nommant son Envoyé spécial pour cette célébration, le Pape François m’écrit : « Vous saluerez et encouragerez toutes les personnes présentes à renouveler leur zèle apostolique afin qu’en vertu de l’espérance qui naît de la foi, inspirée par l’amour de Dieu et la piété, elles puissent Lui offrir des louanges par leur vie ». Sont citées dans cette brève phrase les trois vertus théologales, la foi, l’espérance et la charité. Dans son message pour la Journée mondiale des Missions de 2019, le Saint-Père disait à ce propos : « L’Église est en mission dans le monde : la foi en Jésus Christ nous donne la juste dimension de toute chose, en nous faisant voir le monde avec les yeux et le cœur de Dieu ; l’espérance nous ouvre aux horizons éternels de la vie divine à laquelle nous participons vraiment ; la charité dont nous avons l’avant-goût dans les sacrements et dans l’amour fraternel nous pousse jusqu’aux confins de la terre ».
Tout naît en effet de la foi dans le Seigneur, qui est un don de Dieu, que nous avons reçu au baptême et qu’il nous appartient de vivifier par la prière et la vie intérieure, mais aussi par l’action : le visage du Seigneur, que nous cherchons dans la contemplation, nous le trouvons aussi dans celui de nos frères, en particulier les plus défavorisés, et l’amour de Dieu est inséparable de celui du prochain. L’offrande de notre vie, qui est la louange agréable à Dieu, comprend d’une façon indissociable ces deux aspects de la charité et nous vivons dans l’espérance, qui nous permet d’aller de l’avant sans nous laisser décourager par les difficultés et les échecs, sachant que le règne du Christ se construit d’une façon qui échappe à notre regard humain.
Nous vivons dans un monde où la foi en Dieu est souvent absente, remplacée par l’idolâtrie, la course vers des biens éphémères ou des chimères idéologiques. Nous en souffrons, mais nous ne devons pas perdre courage ; au contraire, nous devons nous engager pour que notre témoignage soit lumineux et crédible. La pandémie que le monde affronte depuis deux ans a rendu encore plus dures les conditions de vie d’une multitude de personnes et, tout en rendant grâces pour les grands élans de solidarité qui se sont manifestés, on ne peut nier que les failles du système économique et social se sont faites plus criantes encore, aux dépens des plus faibles, comme les personnes âgées. Face à cette situation, il est juste, comme l’écrivait saint Jean-Paul II dans l’Encyclique Veritatis Splendor, que « se répand[e] toujours plus vivement la conviction de la nécessité d’un renouveau radical personnel et social propre à assurer la justice, la solidarité, l’honnêteté et la transparence » et les chrétiens ont un rôle important à jouer dans cette prise de conscience.
Certes, ce renouveau doit partir de nous-mêmes et doit se manifester avant tout par la conversion du cœur. Chacun doit faire son examen de conscience ; le Pape François nous dit dans l’Encyclique Fratelli Tutti : « l’individualisme indifférent et impitoyable dans lequel nous sommes tombés n’est-il pas aussi le résultat de la paresse à rechercher les valeurs les plus élevées qui sont au-dessus des besoins de circonstance ? » Face à une crise inattendue et angoissante, nous sommes tentés de nous enfermer en nous-mêmes dans l’attente de temps meilleurs, ou bien nous nous habituons à ignorer la détresse des autres, mais ce n’est pas ce que le Seigneur nous demande. Nous avons le devoir de répondre aux défis actuels et de tendre une main secourable à qui a besoin de soutien, portant dans le monde le témoignage de la force et de la joie de l’Evangile.
Chacun de nous peut faire tant de choses et la liste traditionnelle des œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles n’est qu’indicative. Il suffit parfois d’une parole ou même d’un regard pour porter un peu de joie à notre prochain – et nous devons redoubler nos efforts – mais cela ne suffit pas. La conversion personnelle doit porter à un effort commun pour la transformation du monde. La globalisation de l’information met sous les yeux de tous les plaies qui affligent l’humanité et qui ne peuvent être affrontées d’une façon efficace que par une action collective de la famille humaine dans son ensemble. Je n’ai pas besoin de vous rappeler ces fléaux que le Pape François dénonce si souvent, comme la dégradation de l’environnement et la pauvreté, les désignant comme les fruits mauvais de la culture du rebut, « la cultura dello scarto », comme quand il disait au début de son Pontificat : « cette ‘culture du rebut’ tend à devenir une mentalité commune, qui contamine tout le monde. La vie humaine, la personne, ne sont plus considérées comme une valeur primaire à respecter et à garder, en particulier si elle est pauvre ou handicapée, si elle ne sert pas encore — comme l’enfant à naître — ou si elle ne sert plus — comme la personne âgée » (Audience générale du 5 juin 2013). C’est en vertu de notre conception de l’homme créé par Dieu à son image et sauvé par le Christ que nous devons apporter notre contribution à la solution de ces problèmes.
Certains considèrent qu’il s’agit là d’une intromission indue dans la cité séculière, d’une atteinte à la laïcité de l’Etat, mais il n’en est rien : l’Eglise a le droit et le devoir de proclamer l’Evangile dans toutes ses dimensions, y compris sociales. Il lui appartient de faire résonner la parole libératrice de l’Évangile dans tous les domaines dans lesquels s’exerce l’activité humaine. Comme l’écrivait saint Paul VI dans l’Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi, « En raison de la valeur publique de l’Évangile et de la foi et à cause des effets pervers de l’injustice, c’est-à-dire du péché, l’Église ne peut pas demeurer indifférente aux affaires sociales. »
Chers amis, votre engagement dans une association qui a pour but le soutien au Siège de Pierre et à ses œuvres s’insère dans le cadre de cette sollicitude de l’Eglise pour tout ce qui est humain. Vous trouvez dans son Magistère l’inspiration et l’armature spirituelle de vos activités, qui constituent une participation « à l’action missionnaire de l’Eglise, qui lutte pour le développement humain intégral de chaque personne », comme l’exprimait le Saint-Père lors de votre dernière Audience, en février 2020.
Nous avons entendu dans l’Evangile de ce jour le dialogue de Jésus avec ses Apôtres : sa demande, la réponse que fait Pierre au nom du groupe et la promesse du Seigneur « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. » L’Eglise s’est construite sur la foi proclamée par Pierre et le Successeur de Pierre est le garant de notre unité dans la foi. Prions aujourd’hui pour le Saint-Père, comme il nous y invite si souvent, et pour notre Eglise, dont nous sommes les Fils : « nul ne peut avoir Dieu pour Père, s’il n’a pas l’Église pour mère », disait déjà saint Cyprien de Carthage au IIIème siècle. Que ce bel anniversaire de l’Association Pro Petri Sede, soit pour chacun de vous l’occasion d’approfondir son engagement au service de l’Eglise. C’est la responsabilité de chacun d’entre nous, qui sommes « pierres vivantes » pour la construction de cette demeure spirituelle qu’est l’Eglise, comme nous le rappelle la deuxième lecture de la Messe.
Et nous nous tournons vers la Vierge Marie, Mère de l’Eglise, afin qu’elle nous soutienne jour après jour dans notre chemin et qu’elle nous aide à être des témoins toujours plus crédibles de l’amour du Christ.
Amen.
Cardinal Dominique Mamberti
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