Batailles et charité, les zouaves en première ligne
Un article signé Maria Cristina Giongo, publié dans Avvenire le 22 mars 2023
C’étaient en majorité des paysans hollandais, venus à Rome au XIXème siècle, afin d’aider les populations touchées par le choléra et combattre pour défendre Pie IX. Et de leur exemple, il y a 150 ans, est né Pro Petri Sede.
« Chers amis, Monsieur l’Aumônier général et membres de l’association Pro Petri Sede, je suis heureux de vous accueillir à nouveau durant votre pèlerinage à Rome, précisément au début de ce carême, pendant lequel vous apportez, encore une fois, le témoignage de la solidarité et de la charité qui animaient le cœur de vos prédécesseurs, eux qui n’ont pas hésité à donner leur vie pour l’Église. Comme alors, vous êtes maintenant à mes côtés, avec une grande générosité, pour aider les personnes seules, nécessiteuses, sans défense, et ce, dans le monde entier. Chers amis, frères et sœurs, je vous remercie pour votre fidélité à mon ministère de successeur de saint Pierre. »
Tel est le résumé du discours que, le 24 février dernier, le pape François a tenu aux représentants de Pro Petri Sede, reçus au Vatican dans la splendide Salle Clémentine.
Audience à la Salle Clémentine par le pape François
Cette salle fut construite au XVIème siècle à la demande du pape Clément VIII, en l’honneur du pape Clément Ier, troisième successeur de saint Pierre, et recouverte de fresques Renaissance d’une très grande beauté. Elle est utilisée par le Pape pour les audiences privées à de grands groupes, comme le Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, le collège cardinalice, les différentes conférences épiscopales. En outre, lors de la mort d’un pape, c’est la salle où est exposée la dépouille, afin que la cour pontificale et les délégations étrangères puissent venir lui rendre hommage avant son transfert dans la basilique Saint-Pierre.
Mais à qui et à quoi se référait le pape François en citant les prédécesseurs de Pro Petri Sede, ceux qui offrirent leur vie pour l’Église ? Il voulait souligner les origines de cette organisation de volontaires catholiques, parmi lesquels des Français, des Belges, des Luxembourgeois et surtout des Néerlandais, qui, à la fin des années 1860, partirent pour Rome afin de défendre le pape Pie IX, soumis aux attaques militaires du Royaume d’Italie dans sa volonté d’unifier le pays.
Qui donc étaient ces zouaves ?
Ils s’appelaient “zouaves”. C’étaient des jeunes d’origine modeste, souvent des paysans, animés d’une grande foi et d’un grand sens du devoir. Parmi les faits à souligner, citons leur engagement de l’été 1867, quand ils furent appelés à secourir la population du Latium méridional, durement touchée par le choléra.
Rassemblés à Albano, 42 zouaves commandés par le sergent Serio, un Napolitain, trouvèrent le pays dans une situation dramatique : sur la place principale, les cadavres s’amoncelaient en état de décomposition, tellement les habitants avaient peur de contracter la maladie en leur donnant une sépulture. De jour et de nuit, les zouaves inhumèrent les dépouilles abandonnées dans la rue. Certains y perdirent la vie, contaminés par les cadavres.
Rome va-t-elle se soulever ?
À la fin septembre, les hommes de Garibaldi tentèrent d’envahir les États pontificaux, en cherchant à provoquer une insurrection de la ville. Pendant que les soldats combattaient sur les champs de bataille, un groupe de sympathisants lancèrent un attentat afin de susciter le soulèvement de la ville. Le 22 octobre, une bombe éclata à la caserne Serristori, située dans le quartier du Borgo : 23 zouaves qui y étaient cantonnés, ainsi que quatre civils, y perdirent la vie. Toutefois, le soulèvement ne se déclencha pas comme espéré, grâce, notamment à des actions décisives de la police, aidée par les mêmes zouaves.
Après la bataille de Mentana, le 6 novembre, les milices franco-pontificales victorieuses défilèrent à Rome et furent accueillies aux cris de « Vive Pie IX, vive la France, vivent les zouaves, vive la religion ! ». Mais, en raison de la guerre franco-prussienne de 1870, les troupes françaises quittèrent Rome. L’armée italienne, commencé par le général Raffaele Cadorna, en profita pour envahir les États pontificaux, dont l’armée, à ce moment, était composée de 13.000 soldats, dont 3.000 zouaves.
Mais aux premiers coups de canon, qui tuèrent 11 zouaves, le 20 septembre, le Pape demanda au général Kanzler de cesser le feu. Leur régiment fut dissous le surlendemain. Avant de rentrer dans leur patrie, ils se rassemblèrent sur la place Saint-Pierre pour saluer Pie IX.
Un départ émouvant
Voici un extrait du récit d’un zouave irlandais nommé O’Clery : « Quand tous les soldats furent en rang, tournés vers le Vatican et prêts à partir, le colonel Allet fit un pas en avant et, avec la voix cassée par l’émotion, cria : « Mes enfants ! Vive Pie IX ! » Un immense cri s’échappa de la troupe. À ce moment, le Pape apparut au balcon, et levant les mains au ciel, pria : « Que le Seigneur bénisse mes fidèles fils ! » L’enthousiasme de ce moment suprême était indescriptible, émouvant.
À la pensée de laisser le Saint-Père, des larmes d’un regret plein d’amertume trempaient les joues de ces hommes qui avaient défié la mort dans tant de batailles désespérées. Les trompettes donnèrent l’ordre d’avancer et, dans le mouvement, la tête de la colonne lança une ultime et triste acclamation « Vive Pie IX ! », qui, reprise rang après rang, fut répétée par toute l’armée et par la foule assemblée pour assister au départ. »
L’histoire des zouaves n’est pas finie !
Rentrés chez eux, les zouaves des Pays-Bas, de Belgique et du Luxembourg continuèrent leur mission de soutien aux œuvres de bienfaisance des successeurs de saint Pierre. Suivant leur exemple, l’association Pro Petri Sede est née il y a 150 ans, et compte actuellement 1.200 membres.
Son objectif principal est de rassembler une offrande substantielle apportée au Pape tous les deux ans. Ces sommes sont destinées à diverses initiatives, parmi lesquelles les secours aux personnes touchées par les catastrophes naturelles, comme les inondations au Pakistan, ou par l’épidémie du coronavirus (avec l’achat de respirateurs) ; et, aujourd’hui, pour aider la Turquie, la Syrie et l’Ukraine.
Le pape François a embrassé avec affection le père spirituel « historique », l’abbé Dirk Van Kerchove, actif depuis des années dans la récolte des fonds (et organisateur des pèlerinages), en collaboration avec les responsables de Pro Petri Sede et de ses membres : un groupe uni, soutenu par tant de foi et d’amour fraternel.
Maria Cristina Giongo
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